=?iso-8859-1?Q?Lib=E9ralisme_contre_parti_du_fric?=

Francois-Rene Rideau fare@tunes.org
Wed, 12 Jan 2000 03:20:58 +0100


> En France, les libéraux combattent en général toute forme de régulation,
Meuh, encore une fois ne pas confondre les "libéraux" et les libéraux.
Les partis dits "libéraux"...
Cela dit, il y a en effet en France de nombreuses régulations abusives,
qui ne sont que des façons détournées d'accorder des monopoles, et/ou
de décharger certaines entreprises de leurs responsabilités à la charge du
contribuable. De plus, comme limite à la réglementation en général,
"Nul n'est censé ignorer la loi", donc la loi doit être assez simple pour
être connue. Sinon, la loi étant trop compliquée, le résultat est le pouvoir
arbitraire des juges, avocats, et autres administrateurs qui la connaissent.

[Educ Nat]
>> Il y a tout de même des conséquences nocives graves, que je ne peux
>> m'empêcher de constater l'ignorance profonde (accompagnée, ce qui est pire,
>> de l'assurance de savoir) qu'ont nos fameux bacheliers des principes
>> _élémentaires_ de l'économie et de la politique. De quoi en faire les
>> victimes faciles du premier homme d'affaires véreux ou politicien démagogue
>> venu.
> A ma connaissance, ce n'est pas différent dans d'autres pays.
Ce n'est pas une bonne raison. D'autant moins que l'abrutissement en question
se fait au frais du contribuable. Qu'une multinationale tente de m'abrutir,
à ses frais, passe encore: c'est à moi de démontrer qu'elle use de moyens
abusifs. Que l'Etat m'abrutisse, et abrutisse mes enfants, à mes frais, il
n'est rien de pire.

>>> Par analogie : aurions-nous siplement imaginé, il y a deux ans, que la
>>> situation de l'emploi allait s'améliorer comme elle le fait ?
>> Par la même analogie, est-ce à l'Etat à se substituer premiers concernés
>> pour privilégier certaines orientations scolaires par rapport à d'autres?
> Je ne sais pas.
> (il me semble que ça peut dépendre de beaucoup de facteurs)
Moi, je sais que quoi qu'il en soit, l'Etat n'a pas à faire à la place des
citoyens des paris sur l'avenir, et de les engager ainsi, solidairement,
contre leur gré. Si l'Etat a raison, autant auraient 

> je préfère la tutelle d'une collectivité locale à celle d'un industriel.
Ah bon, pourquoi? Tu as vu comment l'Etat gère ses comptes (i.e. _notre_
argent)? Au moins, l'industriel a la pression pour les bien gérer.
Encore que si par "locale", tu entends une petite mairie (par opposition
à ces abominations que sont les conseils généraux ou pire, régionaux),
et par "industriel", une de ces grandes industries bénéficiant de privilèges
d'Etat (par opposition à une entreprise libérale), j'aurais tendance
à être d'accord, mais c'est une concession bien faible que je te fais.
Entre entités de même taille et de même honnêteté, l'avantage de bonne
gestion est _très_ nettement à l'entreprise. Dans une entreprise, où
les comptes sont ouverts, la pression pour bien faire est proportionnelle
à la taille de l'entreprise: plus il y a de capital, plus d'yeux regardent
le gestionnaire. Dans une administration publique, plus la taille de
l'administration est grande, plus grande est l'opacité, le conservatisme,
et plus le public concerné est large, plus il est difficile de le coordonner
en une majorité absolue des suffrages exprimés pour faire changer les choses,
et ce d'autant moins que le public n'est pas directement motivé pour
s'informer, qu'avec le système électoral actuel, une personne susceptible
d'être élue a d'autant moins de chance de vouloir changer le système que les
enjeux sont importants.

Bref, pour ce qui est de la _gestion_ (à bien distinguer de la réglementation)
il n'y a _que des inconvénients_ à une gestion publique, et _que des
avantages_ à une gestion privée. Il n'y a aucune raison que l'Etat ait
quelqu'avantage que ce soit sur des acteurs privés pour gérer quelque
fonds que ce soit. Au mieux, il dispose d'une base d'information centralisée:
qu'il les publie, et les acteurs privés feront avec mieux qu'il ne ferait
lui-même. Sinon, il se pourrait que le public manque de motivation a priori
pour certaines préoccupations importantes à long terme (assurance maladie,
retraite, etc); une obligation légale de souscription à des fonds (privés)
aurait alors de bien meilleurs résultats qu'un prélèvement forcé vers une
caisse publique; c'est d'ailleurs bien ainsi que fonctionne l'assurance
automobile, qui contrairement à la sécu et aux retraites, n'est pas un
gouffre financier.

Encore une fois, l'argument cybernétique derrière le libéralisme est simple,
voire trivial: en présence de liberté, les acteurs économiques ("le marché")
traitent plus d'information, et aboutissent à un meilleur contrôle.
L'équilibre s'établit par nivellement des prix des produits et services
autour d'une valeur subjective consensuelle; plus grande l'information
traitée, meilleure l'évaluation, plus proche de l'optimal l'équilibre.

> Au moins il existe des possibilités de contre-pouvoir.
Ah bon? Tu les vois où, les contre-pouvoirs, sur la scène politique
française (ou autre)? Alors que sur la scène économique libérale,
il n'y a que ça, des contre-pouvoirs: ça s'appelle même la libre
concurrence; si un service est trop cher, la concurrence débarque,
et les prix baissent à nouveau.

> Et puis, c'est
> une question de "fierté", je veux dire par là qu'il y a derrière ce
> choix aussi des motivations inconscientes, de "plaisir", etc...
Euh, la fierté n'a jamais été bonne conseillère pour prendre de bonnes
décisions économiques ou politiques; ainsi, le "réflèxe national", et
autre, ça fait pitié. Quant aux motivations, l'enfer est pavé de bonnes
intentions (devine qui j'ai envie de citer en exemples!).

> Mais pour rester à la surface des choses : nous sommes en République,
> nous sommes censés avoir dépassé le temps du pouvoir individuel des
> Rois, Ducs et autres castes.
Mythologie républicaine! Tu t'es fait lavé le cerveau, ma p'tite dame;
moi aussi, remarque, mais j'en suis revenu.

> S'il est vrai que la démocratie fonctionne mal, attachons-nous à
> l'améliorer, mais ne la soumettons pas au pouvoir d'une oligarchie
> (attention : il s'agit tout de même bien, ici, du pouvoir de l'Argent,
> et pas d'autres chose)
Qui parle de soumettre quiconque à quelque pouvoir? Que des riches dépensent
de l'argent pour un spectacle (raté, peut-être, en ce cas particulier), et
tu t'offusque? Tu préfères peut-être quand avec le même argent, ils
s'achètent des bijoux et des parfums en particulier, ou se paient des
concerts particuliers? Sur le principe, je ne peux que me réjouir qu'ils
décident de partager leurs richesses.

Pour ce qui est des dysfonctionnement de la démocratie, je le dis tout de go:
les seuls principes qui aient jamais justifié la démocratie sont les
principes libéraux; si la démocratie fonctionne mal, c'est en rapport
avec son rejet de ces mêmes principes. La démocratie libérale, c'est Locke,
c'est Constant, c'est Bastiat, c'est Mill, c'est Hayek. Les utopies sociales,
c'est Rousseau, c'est Robespierre, c'est Louis Blanc, c'est Marx,
c'est Lénine. On sait de quels systèmes et de quels principes coulaient
les libertés civiles, et quels systèmes et quels principes les ont niés.


>> Qu'il n'y a pas de mal à être puissant, mais qu'il n'y a de mal que
>> dans certains moyens employés pour parvenir à la puissance.
> _ou pour la conserver_
Ce qui est tout même. Ce qui compte, aux yeux de la justice,
ce n'est pas la fin, ce sont les moyens.

>> Toutefois, ce qui importe est que l'argent
>> qui a financé le spectacle l'a été en toute connaissance de cause par une
>> personne responsable de cet argent, et qui aurait pu décider de l'affecter à
>> une autre cause; il n'a pas été prelevé de force dans les poches de
>> contribuables involontaires, qui n'auront jamais assisté à ce spectacle.
>> Là est la différence, de taille.
> L'argent a bien été prélevé un jour où l'autre dans les poches des
> péquenots (y compris ceux qui l'aiment pas l'Opéra), quelques petits
> centimes de plus le litre d'essence, une bonne petite lutte
> d'influence...
Et voilà l'amalgame! Tout argent gagné, l'est-il malhonnêtement?
C'est ce que suggère ton argument. Or, si tu travailles, ne mérites-tu
aucun salaire? Bien sûr que si! En tant que les compagnies pétrolières
fournissent un travail utile (et quiconque a jamais utilisé une voiture,
un bus, ou un objet en plastique ne saurait prétendre le contraire),
elles ont lieu de gagner légitimement de l'argent. Cela ne justifie
aucunement l'extorsion à laquelle ses compagnies pourraient se livrer
par ailleurs. Ou alors proposes-tu de rendre illégale la vente d'essence,
la production de celle-ci ne pouvant être qu'intrinsèquement malhonnête?

Cela dit, il est fort possible (voire même probable) que la mauvaise qualité
du spectacle auquel tu as assisté soit en relation directe avec
le fait que l'argent qui l'a financé était mal acquis: ayant mal acquis
de l'argent à n'en savoir que faire, argent qui n'a pas pour ses détenteurs
la valeur de la sueur versée, ces messieurs s'amusent à le dépenser sans
trop se soucier de vérifier la qualité de leur dépense.

>> L'empire des pétroliers n'a rien de libéral; c'est un vaste lobby
>> international, privilégié par des hommes politiques irresponsables.
> nous sommes d'accord

>> Comme dit jfm2, ne pas confondre libéralisme et empire du fric
> L'ennui, c'est qu'en France les discours se confondent... Et dans la
> plupart des autres pays aussi.
Les voyous des deux côtés ont intérêts à embrumer l'esprit des masses.
Les premiers se parent des beaux draps de la liberté, et les autres en
profitent pour tirer à vue sur les libertés qui les gênent. Il y a
cependant en France d'authentiques libéraux, parfois tapis (à tort, à
mon avis) dans l'ombre de "libéraux", qui tentent de faire avancer les
choses.

L'horreur est que le système actuel de propriété intellectuelle concentre
les médias dans les mains des voyous, par un effet semblable à celui qui
porte Microsoft au pouvoir: l'Etat donne un monopole à tous les pourvoyeurs
d'information. Ceux-ci ont alors intérêt à "créer" et diffuser de
l'information bidon, à condition que ce soit la leur, et qu'elle ait
tendance à capter l'attention. Ils se concentrent par effet réseau,
et tombent aux mains des plus aggressifs. Et voilà: mass-media d'aujourd'hui:
grand spectacle (y compris sexe et violence), redondance (y compris remakes
et reremakes), bienpensance (flatterie des puissants, social-conservatisme,
et relativisme).

> Je n'en demandais pas tant, et c'est vrai que les chiffres font frémir. 
> Oserai-je dire tout de même que:
> - ces comptabilités macabres concernent toutes des régimes totalitaires,
Non justement. Parce que les régimes d'extrême droite n'ont pas affamé
systématiquement leur peuple. Parmi les victimes du communisme, il y en
a bien 100 millions dus aux famines et épidémies induites par les réformes
agricoles, révolutions culturelles, et autres déportations en masses ayant
pour but de rendre les campagnes conformes aux modèles économiques
communistes. L'extrême droite a bien causé d'horribles massacres systématiques
de plusieurs dizaines millions de personnes, mais elle n'a jamais organisé
de famine systématique contre ses propres peuples. Si la corée du nord meurt
de faim tandis que celle du sud est relativement prospère, ce n'est pas à
cause de saboteurs laquais de l'impérialisme américain, c'est parce que le
régime économique contre-nature tend intrinsèquement à détruire toutes les
ressources et à affamer le peuple.

> pour moi Staline, par exemple, n'a rien d'un homme de gauche, c'est un
> dictateur qui s'est implanté sur le terreau de la révolution
Et pourtant, la collectivisation forcée des campagnes, de l'industrie, etc,
la déportation en masse des opposants "et assimilés", qu'est-ce, sinon
l'application directe du programme révolutionnaire socialiste?
Relis les oeuvres de Lénine, voire de Louis Blanc, et tu verras que
le totalitarisme n'y est pas qu'en germe: il y est écrit noir sur blanc.

> Est-ce à dire qu'il ne faut jamais rien vouloir
> changer par crainte des risques ?
Bien sûr qu'il faut changer; il faut cependant
1) réfléchir avant d'agir, ne pas se lancer criminellement dans l'application
 de théories erronées, même si "ce serait si beau si c'était vrai"
 (si tout le monde il était beau et gentil, et m'adorait comme leur dieu,
 ce serait si beau!)
2) considérer les effets de bords induits par les moyens utilisés
 quant au but à atteindre (l'assassinat politique, la terreur, plus
 généralement l'oppression, n'arriveront jamais à améliorer le monde).

> - en certaines occasions, il est des hommes et des femmes pour résister,
Oui. Mais le courage n'excuse pas la déraison, au contraire.
Et le courage face aux uns n'excuse pas la lâcheté face aux autres.
Donc, prudence face à de tels arguments.

> - dans ta comptabilité, as-tu compté les victimes des escadrons de la
> mort dans certains pays d'Amérique Latine ? (Salvador, Pérou, Brésil...)
> Comptes-tu les victimes tchètchènes ?
Oui, et non.
En fait, j'ai oublié les victimes des japonais dans mes comptes de la
WWII. Ca fait plus que doubler le score de l'extrême droite.
On passe à 60 millions de victimes au moins.

Quant aux tchétchènes, ma foi, on ne saurait compter ce conflit plus
à droite qu'à gauche; les racines du conflit sont dans l'impérialisme
communiste, et les dirigeants russes sont tous issus du parti communiste,
voire du KGB. Les "rebelles" tchétchènes en chef ne valent pas bien mieux. 

> - n'aurais-tu pas, par hasard, repris au compte de " l'extrême gauche "
> les victimes russes de la deuxième guerre mondiale ? et ainsi de
> suite pour les autres pays ?
Non, je comptes l'intégralité des 20 millions de morts officiels de la WWII
en Europe pour Hitler, même si de nombreux parmi eux l'ont été massacrés
ou envoyés au casse-pipe (stratégie chair à canon) par les soviétiques.
Les morts déportés en Sibérie comptent pour les soviétiques.

> (en France l'extrême gauche ne ferait pas de mal à une mouche, il me
> semble)
Tu as déjà assisté à une réunion trotskyste? Si un jour on donnait le
pouvoir à ces gens là, je m'attends au pire. Même chose pour nos amis
chrétiens intégristes: l'amour, toujours, on les a déjà vu à l'oeuvre
dans le passé.

Maintenant, il faut dire que les voyous opportunistes savent de quel côté
le vent tourne. Quand pour prendre le pouvoir, il fallait se dire
très-chrétien, ils étaient très-chrétiens. Quand il fallait se dire
patriotes, ils étaient patriotes. Quand il fallait se dire socialiste,
ils étaient socialistes. Ainsi de suite. De nos jours, heureusement,
le vent ne souffle plus derrière ces horreurs. C'est pourquoi on verra
moins de ces voyous dans lesdits partis; mais ils reviendront très vite
si le vent tourne à nouveau. Et crois-moi, ce n'est pas dans ce genre
de partis qu'ils vont s'étouffer de scrupules.

La grosse occasion fait le gros larron; mais il n'y a plus de si belle
occasion; les utopies socialistes se sont nourries d'un potentiel
psychologique créé par la révolution industrielle et par l'agonie des
anciens empires. Ce potentiel est retombé, et trop d'idéologies, religions,
sectes, etc, sont en concurrence sur ce juteux marché pour que l'une
d'entre elle arrive au niveau atteint précédemment par le socialisme.
Alors, on se contente de ce qui reste; quand on a la "chance" d'être
à la tête d'un pays, on se contente d'être national-conservateur.
Quand on part de rien, il y a toujours la drogue, les armes, et quelques
petits trafics, pour faire fortune. Quand on est en col blanc, on
s'engouffre dans la propriété intellectuelle, et dans le lobbying de tous
ces gouvernements naïfs et corrompus, qui ne comprennent décidément rien
à l'économie, et sont prêts à voter les lois qu'on leur susurre (avec
financement politique à la clé).

A l'heure où l'économie libérale domine (à juste titre), les voyous et les
bandits vont parasiter l'économie libérale. C'est inévitable. Quel que soit
le système dominant, c'est lui qui sera parasité de façon dominante.
"Pourquoi attaquez-vous les banques? -- parce que c'est là que ce trouve
l'argent", disait un criminel américain notoire. La question n'est pas
de savoir s'il y aura des criminels -- il y en aura. La question est de
savoir si le régime économique et politique est capable de résister à
ces criminels, de les dénoncer, de leur mettre des batons dans les roues,
de les obliger à se cacher, de fonctionner malgré leur présence; ou si au
contraire il va les porter au pouvoir, leur donner l'omnipotence, de leur
conférer l'arbitraire, traquer systématiquement ceux qui chercheraient à
les dénoncer, et finalement s'écrouler de par leur présence.

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